Timide ou anxieux : comment apprivoiser son stress lors d’une prise de parole ?
S’exprimer devant un public ou même une seule personne qui nous impressionne peut générer un cocktail d’angoisses. Comment les surmonter ? En s’appuyant sur trois techniques pour renforcer sa confiance et appréhender sereinement la prétendue épreuve de l’évaluation sociale.
Dans moins d’une minute, c’est à moi. Mon cœur bat la chamade, mes mains sont moites, les auréoles colorent ma chemise. Est-ce que ça se voit ? Mes idées étaient pourtant claires il y a une heure. J’ai passé tellement de temps sur cette présentation que je la connais sur le bout des doigts. Mais maintenant, mes pensées sont confuses. Que va-t-on penser de moi ? Ma gorge se serre, ma bouche est sèche, ma voix se casse. Allons, c’est ridicule de se mettre dans un état pareil, il ne peut rien m’arriver.
Vous avez peut-être déjà ressenti cela, avant de prendre la parole, de rencontrer une personne intimidante, de faire une déclaration d’amour ou de réclamer de l’argent à quelqu’un. La peur du regard de l’autre apparaît lorsqu’on se sent jugé par une personne ou un groupe. Elle prend différentes formes : face à son supérieur dans sa vie professionnelle, lors d’une soirée quand aucune tête connue n’est présente, devant la terrasse d’un café bondé… Cette peur d’un jugement négatif repose sur des croyances limitantes, telles que :
- La performance sociale : « Je crois que je n’ai pas le droit à l’erreur en présence d’interlocuteurs, sinon cela se retournera contre moi. »
- L’hyper contrôle de soi : « Je crois que je ne dois pas laisser paraître ma gêne ou mes émotions, sinon on me jugera. »
- La visibilité émotionnelle : « Je crois que mes manifestations d’émotions sont visibles et seront jugées. »
- La vigilance d’autrui : « Je crois que les autres surveillent mes attitudes pour me juger. »
Alors, comment faire valser ces croyances ? Je vous propose ici trois techniques clé en main pour les dépasser.
Être concret
Un client m’a récemment contactée. La raison ? « Je suis stressé à l’idée de vendre mes projets face à une audience. » Tant que la perception de la difficulté reste aussi générale, il est difficile de la régler. C’est en effet le sentiment d’impuissance qui prédomine. Son cas n’est pas isolé. Nous avons souvent tendance à manquer de lucidité sur les composants exacts qui nous causent de l’anxiété. Pour cela, une bonne méthode consiste à fragmenter nos problématiques. Posez-vous ces trois questions :
- Dans quelles situations m’arrive-t-il de ressentir de l’anxiété ?
- Quelles conditions augmentent ou diminuent ma peur dans ces situations ?
- Quelles sont les situations de prise de parole les moins angoissantes ?
C’est ainsi que le cas de mon client s’est précisé : « Je suis réalisateur et souvent confronté à une situation stressante : pitcher mes idées de publicité devant une dizaine de personnes. L’atmosphère très codifiée me paralyse. Pourtant, je suis à l’aise dans des contextes plus informels, comme un café avec mon équipe ou face à une seule personne. C’est vraiment ce format, assis derrière mon ordinateur avec une présentation à défendre, qui me bloque. »
Comme l’écrivent les psychiatres Patrick Légeron, Antoine Pelissolo, Christophe André, dans La Nouvelle peur des autres (éditions Odile Jacob), il faut arriver à établir une sorte de hit-parade de son anxiété. Analysez les situations avec précision. Prenez en compte le genre et le statut de vos interlocuteurs, la disposition de la salle, le format de la prise de parole, et vos enjeux personnels.
En précisant vos craintes et en identifiant précisément ce qui les déclenche, vous transformez une angoisse diffuse en un problème ciblé, bien plus facile à appréhender. C’est le premier pas vers une prise de parole plus sereine et confiante.
Tenir tête
Il y a quelques années, j’ai rencontré une agente immobilière qui n’arrivait pas à regarder les autres dans les yeux : ni ses amis, ni ses clients, ni son équipe. Nous avons mis en place des stratégies pour déconstruire ce que signifiait « regarder dans les yeux ». Pour elle, croiser le regard de son interlocuteur exacerbait sa crainte du jugement. Un réflexe classique est alors de fuir la situation bloquante. Or, tant que l’on évite quelque chose, la peur persiste. Il existe pour cela une technique dite « exposition » qui consiste à se confronter aux situations redoutées. L’objectif est de réaliser que l’on peut affronter une situation sans que les catastrophes redoutées ne surviennent ni que le niveau d’angoisse soit insurmontable. Dans ce cas, je recommande d’ailleurs de se faire accompagner par un thérapeute.
Grâce à des exercices de théâtre, ma cliente et moi avons donc détricoté ses croyances. Petit à petit, le regard est devenu un outil de connexion profonde à l’autre. En parallèle, elle a travaillé avec une psychologue pour comprendre les raisons de son blocage. Nous avons ensuite défini des objectifs raisonnables, découpés par paliers. Prenez la parole ! Peu importe si la voix ne sort pas bien ou s’il y a balbutiement ; l’important est que l’intervention ait lieu, quelle qu’en soit la qualité. Ensuite, réitérez les expériences, encore et encore. Avec la répétition, la peur finit par diminuer. Je le sais, il est tentant de refuser des propositions pour éviter des situations angoissantes. Luttez, luttez, luttez et tenez tête : dites OUI.
Décentrer
Un autre client m’a récemment expliqué : « Quand je parle, c’est horrible. Je m’entends dire “euh”, je sens la chaleur dans mes joues, je me juge en permanence. » Je lui ai proposé des exercices d’exposition, mais lui ai aussi recommandé de les accompagner d’efforts de « recentration ». Késako ? Je m’inspire ici d’une étude consacrée à l’anxiété sociale, dans laquelle je pioche des apprentissages utiles pour lutter contre l’anxiété. L’étude montre que plus l’on arrive à projeter son attention à l’extérieur de soi-même, plus le malaise diminue.
Voici deux stratégies pour s’exercer au décentrage :
- Pratiquez l’observation consciente. Pendant votre prise de parole, concentrez-vous sur des détails extérieurs : expressions faciales, disposition des lieux, gestes ou réactions. Cela vous permet de sortir de vos pensées anxieuses pour ancrer votre attention dans l’environnement.
- Ensuite, une fois la prise de parole achevée, questionnez-vous. Suis-je capable de me rappeler des visages, des tenues ou des émotions des personnes dans la salle ? Si c’est le cas, cela signifie que vous étiez effectivement attentif à l’extérieur et que vous avez réussi à détourner votre concentration de votre propre anxiété.
Le décentrage agit comme un ancrage extérieur, qui participe à réduire l’anxiété et recentre l’attention sur l’interaction réelle, plutôt que sur vos pensées reptiliennes souvent déformées par le stress.
Conclusion :
L’anxiété ou la timidité sont susceptibles de compliquer la vie des entrepreneurs qui en sont atteints. Commencez par identifier les situations qui vous causent de l’anxiété pour les isoler des autres événements dans lesquels vous vous sentez en confiance. Ensuite, fixez-vous des objectifs raisonnables pour affronter ces situations, en répétant régulièrement le processus pendant au moins une année. Il faut s’entraîner sur un temps long. J’accompagne parfois des personnes sur deux, trois, quatre ans. À chacun son rythme, mais soyez certain que la répétition est payante. Enfin, pratiquez au maximum le décentrage, pour réduire votre anxiété. Dites-vous bien que le problème est que l’on évite naturellement ce qu’on redoute. Or plus on l’évite, plus on le redoute. En 64 ap. J.-C., Sénèque écrivait dans ses célèbres Lettres à Lucilius : « Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas les faire. C’est parce que nous n’osons pas les faire qu’elles sont difficiles » Cette sagesse est plus valable que jamais, avec une nuance tout de même : je vous recommande de sentir le niveau de stress que vous pouvez supporter ou non, et qui dépend aussi de votre niveau d’énergie global. Il m’est déjà arrivé de conseiller à un client de refuser une opportunité car il était au bout du rouleau. Conclusion : sachez aussi économiser votre rouleau – de scotch !