Je suis violent quand je communique
Avez-vous déjà eu le sentiment de courir comme un hamster, avec cette impression d’être piégé dans une course à la perfection ? Êtes-vous accro au regard des autres, si bien que vos actions sont souvent exécutées pour gagner l’approbation d’un groupe ? Vous faites-vous parfois violence, jusqu’à vous sentir vidé, comme si vous n’aviez pas respecté vos limites ? Vous arrive-t-il d’être agressif ou agité ?
Vous avez probablement déjà ressenti ces symptômes qui sont révélateurs d’un mal-être. Ce dernier est protéiforme, et sa version la plus violente nous dirige droit vers le burn-out, la dépression, l’hyperactivisime, les addictions ou la surconsommation d’à peu près tout.
Pour en décortiquer l’origine, nous cherchons souvent du côté de nos peurs ou de notre hygiène de vie. Il existe pourtant un autre ingrédient qui impacte notre vie émotionnelle, psychique et physique : la parole. Je l’observe tous les jours en coachings de prise de parole en public.
Derrière le mal-être, il y a généralement une personne qui n’arrive pas à dire ce qu’elle aimerait, ce qu’elle voudrait.
Nous ne savons pas, la plupart du temps, formuler nos attentes dans des propositions claires et négociables. Et c’est pour répondre à cette problématique qu’a été pensée la communication non violente.
Un outil puissant pour se sentir mieux
La Communication Non Violente (CNV) a été développée dans les années 1960 par le psychologue américain Marshall Rosenberg.
L’objectif de cette méthode est de vivre des relations authentiques et fluides avec les autres et soi-même. La CNV permet de transformer une situation de conflit, de frustration ou d’incompréhension, en une situation de dialogue et d’échanges féconds.
Lorsqu’on ne prête pas attention aux mots que l’on choisit, on nourrit une forme de violence. Elle peut être subtile, insidieuse et déguisée – une critique, une pique, une posture fermée, du cynisme, un soupir, un regard moqueur, un geste d’impatience… Pour Marshall Rosenberg, elle est l’expression de nos besoins insatisfaits ; autrement dit, nous n’avons pas conscience de nos besoins fondamentaux.
Par exemple, si mon conjoint veut me parler alors que je suis crevée après une semaine de travail acharné, je l’écoute pour ne pas le contrarier. Trente minutes plus tard, je suis K.O et je finis par lui lâcher un : Oh, tu m’em****** avec tes histoires . Cette phrase souffle le vent du conflit sur mon couple et, en la prononçant de manière agressive, ni lui ni moi n’allons nous sentir bien.
La CNV propose 4 étapes pour fluidifier nos relations.
- Quelle est la situation ? Il s’agit de reprendre factuellement les éléments contextuels. Dans cet exemple, j’ai passé une semaine à gérer un client difficile, je manque de sommeil, et je réalise que je ne peux plus sortir à partir de ce soir car mon passeport vaccinal n’est pas à jour.
- Quel est le sentiment que je ressens ? Chagrin, colère, dégoût, désespoir… Il en existe des milliers. Dans cet exemple, je me sens épuisée et là, maintenant, je n’ai envie de parler à personne. Pour exprimer ce ressenti, oubliez le « tu » qui tue ! L’emploi de ce pronom peut sembler accusateur (« tu aurais dû faire ça »), et inciter votre interlocuteur à se défendre plus qu’à vous écouter.
- Quel est mon besoin ? J’ai besoin de faire une sieste, de lire une BD, et ensuite je serai contente de discuter avec mon conjoint car j’ai aussi besoin de passer du temps avec lui.
- Quelle est la demande que je souhaite formuler ? J’aimerais dire à mon conjoint : Est-ce que cela te va si nous parlons dans une heure ?
Apprendre à dire non non non non
Ne pas arriver à dire non, au bon moment et à la bonne personne, provoque beaucoup de violence en soi et donc, de mal-être. Combien de fois avons-nous exprimé des oui « gentils » pour nous tirer d’affaire à très court terme, et combien de fois l’avons-nous regretté aussitôt après ?
Nouvel exemple : une amie vous invite à animer gratuitement un événement en ligne demain soir ; elle vous assure que cela encouragera votre visibilité. Pris de court, vous dites OUI, alors que vous auriez aimé passer la soirée à bouquiner. Après tout, cette personne est gentille de penser à vous, et elle insiste ; vous vous sentez obligé d’accepter. Une semaine plus tard, cette même personne vous invite à déjeuner pour vous remercier. Cette fois encore, vous répondez présent alors que vous êtes fatigué. Quinze jours plus tard, elle vous convie à un événement networking. Vous explosez intérieurement :
Mais qu’est-ce qu’elle a celle-là ? Elle croit que je n’ai que ça à faire ? Elle me pompe mon espace vital avec ses invitations !
Vous critiquez brusquement cette personne et devenez agressif parce que vous n’avez pas su dire non. Objectivement, ce n’est pas elle qui est envahissante. C’est vous qui n’avez pas su lui indiquer vos limites à temps. Vous n’avez pas créé l’espace suffisant pour protéger votre propre bulle d’air.
Alors, comment faire pour dire non ? Il suffit d’exprimer « simplement et sans chichi ses sentiments et ses besoins » (« Cessez d’être gentil, soyez vrai ! » disait Thomas D’Ansembourg).
Par exemple : Je te remercie pour l’invitation, je suis touché que tu penses à moi. Ça me fait plaisir de te voir (là, je dis “ oui ” à son amitié). En même temps (ce n’est pas contradictoire, c’est juste que cela cohabite), je suis fatigué, j’ai besoin de me reposer après une semaine stressante et de retrouver les miens que j’ai peu vus ces derniers temps (là, je dis “ oui ” au repos). Je décline ta gentille invitation, bon networking, et j’espère te voir bientôt !
Les mots sont des outils puissants, que nous employons tous les jours. En intégrant les quatre étapes de la CNV dans vos prises de parole, vous constaterez à quel point vous gagnerez en assertivité. Vous vous positionnerez avec clarté et vigueur, sans aucune agressivité. Et vous gagnerez en bien-être !
Cette méthode exige d’identifier vos sentiments, et surtout vos vrais besoins. Connaître ces derniers est finalement ce qu’il y a de plus difficile, et demande d’aller chercher au fond de soi pour ne pas être influencé par nos habitudes ou notre entourage. La bonne nouvelle c’est que la CNV est très simple à prendre en main : vous partez des faits, exprimez vos sentiments, votre besoin, et finissez par formuler votre demande.
En l’utilisant, vous ressentirez ses bienfaits sur la qualité de vos relations professionnelles et personnelles.
Comme le disait le psychologue Jacques Salomé : « Heureux qui… communique ! ».