Se connecter à l’autre, le secret d’une bonne prise de parole ?
Prendre la parole en public n’est pas une démarche solitaire, bien au contraire.
Une prise de parole en public peut générer de nombreuses angoisses pour son orateur, et déclencher des comportements excessifs (pensées obsessionnelles, nuits blanches, perte d’appétit, vide d’énergie… etc.) L’angoisse de s’exprimer publiquement nous incite souvent à nous projeter dans un scénario catastrophe, alimenté par la peur : peur d’oublier son texte, peur de ne pas être à la hauteur de son ambition, peur de ne pas savoir répondre à une question, peur de dégager une mauvaise image… Peut-être aussi (et pour des raisons obscures) faisons-nous une fixette sur notre voix (qui serait trop aiguë, ou trop grave), sur notre diction, ou sur notre corps. Être au centre de l’attention devient alors un véritable supplice.
Mais, ne voyez-vous pas un point commun entre toutes ces peurs ? Elles sont autocentrées : nous nous focalisons sur l’image que nous dégageons, notre capacité à mémoriser un discours, notre voix trop aiguë, notre posture, notre capacité à paraître expert ou compétent… Ces craintes sont relatives à notre égo, et nous font passer à côté d’un élément central de notre discours : notre auditoire.
Je vous propose trois exercices pour reconquérir l’amour de la parole si vous l’avez perdu en cours de route. La technique que j’utilise au théâtre, quand la peur prend le pas sur le plaisir de jouer, est la suivante : je tente d’être moins centrée sur moi-même. Ces exercices vous permettront de changer de point de vue, et de vous concentrer sur l’audience avec qui vous entrez en relation, plutôt que sur vous-même.
Round 1 – Préparer son corps, autant que son discours
Quelques exercices physiques et vocaux, le matin de notre prise de parole, sont essentiels pour préparer notre corps – véritable outil de travail de l’orateur – et couper avec notre mental.
Prenons l’exemple de Barack Obama. En 2012, il doit affronter son adversaire Mitt Romney, lors de trois débats télévisés, devant l’Amérique entière. Le premier débat est une catastrophe, et les sondages donnent Obama perdant. Ce qui crève l’écran, c’est son manque de préparation physique. L’homme, pourtant si charismatique, manque d’engagement et d’ancrage au sol, il est mou, semble peu présent. Son regard flotte et tombe, il balbutie à plusieurs reprises, sa voix est souvent atone.
Barack Obama apprend de ses erreurs, et le deuxième débat n’a rien à voir ! Son corps est alerte, ancré, et sa voix porte loin. Il apparaît engagé, disponible, réceptif et dans un état d’extrême présence. Que peut-on retenir de son expérience ? Se concentrer sur une préparation physique est indispensable quand la peur est présente.
Rien de mieux que des exercices de respiration.
Commencez toujours par une expiration par la bouche sur 3 temps, puissante et dynamique, puis par une fine inspiration sur 2 temps. Montez petit à petit les temps de l’expiration à 4 ou 5, en maintenant l’inspiration sur 2 temps maximum. Vous pouvez poursuivre avec quelques exercices d’abdominaux, pour mobiliser les muscles auxiliaires du diaphragme et renforcer votre ancrage. Finissez en beauté avec un exercice de diction, en répétant plusieurs fois à voix haute “Suis-je chez ce cher Serge?”. Voilà une excellente méthode pour couper le mental et se recentrer sur le corps et la voix.
Round 2 – Se décentrer
Une prise de parole n’a rien d’un monologue. Au contraire, elle demande de créer une relation avec son public. C’est la raison pour laquelle l’auditoire doit être la première de toutes vos préoccupations.
Voici quelques questions à se poser pour se centrer sur son audience :
- Combien sont-ils ?
- Leurs profils sont-ils homogènes (âge, métiers)?
- Selon vous, quels sont leurs besoins, leurs attentes ?
- Sont-ils des experts de votre sujet ?
- Si vous étiez à leur place, que souhaiteriez-vous entendre ?
- Dans quel état émotionnel sont-ils ? Ont-ils des peurs ? Si oui, lesquelles ?
Comprendre son public, lui porter une attention particulière, est loin d’être un détail. C’est une excellente façon de couper avec un mental trop bavard, mais surtout, de créer un véritable échange qualitatif. En vous concentrant sur les attentes précises de vos interlocuteurs, vous renforcez le lien avec votre audience, et donc, votre pouvoir de conviction.
Round 3 – Regarder l’autre
Rien de mieux, pour couper le mental reptilien qui nous juge en permanence, que de pratiquer la technique de « l’anti-monologue ». Il suffit, en sortant de la salle de réunion ou de votre visioconférence, de vous poser la question suivante :
« Suis-je capable de visualiser les visages des personnes présentes lors de la réunion ? »
Êtes-vous capable de revoir le visage de Jean, qui était au fond de la salle, ou celui d’Anne, les yeux rivés sur son téléphone, ou bien encore Xavier, qui avait l’air fatigué, et Solène qui avait l’air convaincue… Si lorsque vous convoquez le souvenir de leurs visages, vous ne voyez rien à part un « écran » noir, c’est que vous n’avez pas réussi à vous décentrer suffisamment. S’il existait une véritable connexion entre vous et votre auditoire, cet exercice est un bon indicateur pour en prendre la température. Lorsque vous vous exprimez, connectez-vous à lui par le regard.
Aimer prendre la parole, c’est comme tout : ça s’apprend, ça se travaille. Si vous souhaitez explorer une autre piste, je vous propose une lecture. Au cours d’un week-end suspendu organisé par l’organisme de formation LiveMentor, j’ai eu la chance de participer à un stage organisé pour quinze entrepreneurs, autour du livre Les 5 Portes, de Fabrice Midal.
Dans ce dernier, l’auteur met à disposition un test de personnalité pour apprendre à se connaître et observer ce qui nous comble le plus. Le bonheur d’entrer en relation, c’est « la porte rouge ». S’y reconnecter est une technique puissante pour retrouver du goût à la prise de parole en public. Car s’exprimer devant des gens, c’est aussi une façon de fédérer un groupe, de créer du lien, de déclencher un passage à l’action, de susciter une émotion ou un questionnement. Votre auditeur n’est jamais votre ennemi. Il pourrait même devenir votre plus grand soutien.